dimanche 20 septembre 2015

Prière de Serigne Touba sur la mer : un enseignement plus spirituel que miraculeux



Scandaleux aux yeux de l’autorité coloniale, miraculeux aux yeux de toute une communauté. Il n’en est rien de cette prière de Serigne Touba sur la mer. L’évènement est d’une portée spirituelle exceptionnelle.

À l’époque, la hargne anti-islamique du colonisateur avait atténué l’engouement et relégué en pratique clandestine tout acte de dévotion, dont les cinq prières obligatoires. Mais Cheikh Ahmadou Bamba, englouti par une piété ininterrompue décida en toute légitimité d’y faire fi au nom du Seigneur de l’Univers. Un comportement qui heurte au plus haut point les membres du conseil privé de Saint-Louis. Voyant en cette démarche une déclaration d’hostilité, par le Procès-Verbal numéro 1 et la délibération numéro 16, le conseil décida de la déportation du Cheikh au Gabon. Le conseil privé de Saint-Louis, composé essentiellement d’administrateurs français, décida à l’unanimité des 10 juges de déporter Serigne Touba dans cette colonie d’Afrique Centrale en lui allouant ainsi une pension d’un montant de 50 Euros.

Ahmadou resta à Dakar la nuit du jeudi 19, la journée du vendredi 20 et la matinée du samedi 21 septembre 1895. Il monta à bord d’un bateau du nom de « Ville de Pernambouc ». Ce bateau qui transporta Cheikh Ahmadou Bamba était en effet un navire marchand et non un bateau de transport comme le disent certains. D’où l’idée cohérente durant son voyage, de son épreuve avec ce fameux taureau.

Le Cheikh était à bord de ce bateau depuis le vendredi 19 mais ne quitta le port que le samedi 21 septembre 1895. De quel port s’agit-il ? Est-ce le port de Dakar ? Aucune archive n’est disponible jusqu’à présent. D’ailleurs étant entre les mains des autorités françaises, le Sénégal aurait pu avoir beaucoup de données sur lui. Mais la période couvrant cet exil (1895-1902) reste presque sans archives. Pourquoi ? Deux arguments sont avancés : 1) certains ont pour argument que le Cheikh ne représentait pas grand-chose aux yeux des colons pour être l’objet d’attention, mais rien qu’en lisant le procès-verbal du 5 septembre 1895, cette idée me paraît tout à fait illogique. 

Phrase phare du procès-verbal du 5 septembre 1895 : « Un marabout du nom de d’Amadou Bamba, jouissait d’une influence considérable dans tout le Bas-Sénégal, menaçait par ses agissements et par ceux de ses talibés, de troubler la tranquillité de la région. » Le Cheikh durant tout l’exil n’a jamais mené une guerre sainte sous le pseudonyme de JIHAD. Le seul JIHAD qu’il recommandait et qui était reconnu de tout le monde, c’’était celui de l’âme. Rappelons aussi qu’il n’a jamais détenu d’armes ni incité ses disciples d’en détenir.
Deuxième argument concernant l’indisponibilité des archives : ce qui paraît tout à fait logique, est que ces documents, s’ils existent, n’ont pas été révélés car ils écorneraient beaucoup l’image et le prestige de ceux qui l’ont emmené.





Le bateau a quitté ainsi Dakar depuis quelques heures, et c’est le moment de la prière d’ASR (la prière de 14H). Serigne Touba se prépara en faisant ses ablutions, mais au moment de célébrer la prière, on l’en empêcha. Une dame blanche survint de nulle part, se dressa devant lui et le toucha. Serigne Touba sous l’emprise de la colère, reformula l’intention et reprit ses ablutions. C’est au moment où il se lavait la tête que la dame refit surface et le toucha de nouveau. 

D’après notre analyse, c’est ce petit jeu à la dame française qui a retardé la prière du Cheikh. Comme le temps imparti pour prière est constitué de deux phases (il y a le temps d’élection d’une part et le temps imparti qui est beaucoup plus long), Serigne Touba ne pria pas pendant la première. 

Serigne Touba a toujours voulu accomplir ses obligations religieuses, toujours. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Mais c’était sans compter sur l’opposition farouche du Blanc qui lui interdit, comme un ordre taillé sur mesure, de prier dans leur navire. En effet, une portée symbolique à avouer ici et maintenant. Les autorités coloniales n’avaient plus d’autres issues que de le piéger. Reste à voir maintenant quelle sorte de pièges tendre au Cheikh. Les autorités en charge du navire n’avaient d’autre choix que l’humiliation et le rejet. L’idée consisterait de trouver un moyen rapide et efficace afin de se débarrasser du Cheikh avant que le bateau n’arrive à destination. 

C’est ainsi que Serigne Touba déclara « Ils m’ont jeté sur la mer par refus de la volonté divine et par haine. Mais le Généreux m’y a incontestablement comblé de sa grâce ». « Ils ont voulu m’humilier en me jetant sur la mer, heureusement que le Seigneur a dompté pour moi la plus houleuse des mers ».





C’est un jet pas du tout physique. Disons que c’était un rapport de force orale du blanc poussant ainsi Serigne Touba à se sentir « offusqué ». Ce qui l’obligerait à passer à l’acte pour un homme dont la foi en Dieu est incommensurable.  « Tu n’as jamais transgressé les règles de ton Seigneur et tu n’as jamais causé du tort à ton prochain. La prière est une des recommandations cruciale pour tout musulman, l’heure de la prière approche, tu nous causeras du tort si cette prière serait faite dans notre bateau et si tu arrives à la manquer, tu transgresseras une des fortes recommandations de DIEU. » 

En ces mots, le destin avait tranché, Serigne Touba n’avait d’autre choix que la mer qui l’entoure. D’ailleurs Serigne Moussa Kâ, grand Poète wolof et disciple de Cheikh Ahmadou Bamba dans son ouvrage Les dons du digne de reconnaissance, le cycle de l’océan dit « C’est ce jour-là qu’ils le jetèrent dans l’océan. Et ils lui dirent : tu vas bientôt disparaître à cause de ta turbulence ». Admettons qu’il était devenu trop gênant aux yeux de l’administration coloniale. C’est ce qui a toujours justifié ses privations de libertés, ses détentions arbitraires, ses nombreuses mises en résidences surveillées, ses déportations et nombreux voyages sans compter toutes les souffrances qu’il a dû endurer dans chacune de ces étapes.

Durant la deuxième phase de cette prière d’ASR, les anges de Badr le mirent sur sa peau de prière et l’installèrent sur les flots sans qu’il ne s’enfonce dans les eaux selon le célèbre poète Serigne Moussa Kâ. 



Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké fit ainsi ses ablutions de nouveau et accomplit la prière, les anges de Badr alignés derrière lui. L’enseignement a tiré de ce phénomène au-delà de ses effluves exceptionnels, c’est la croyance en nos principes. Ne serait-ce qu’un sentiment d’abandon du Cheikh disant que ce serait presque impossible de prier en haute mer et que Dieu l’aurait compris, nous ne serions pas là peut-être à rédiger cet article. Persévérance et croyance doivent nous guider à bras le corps.

Ce qui rend cet événement intéressant et impressionnant d’un point de vue spirituel, c’est l’état d’esprit qui animait Serigne Touba. Sa psychologie n’était nullement ébranlée par les autorités. Alors que certains veulent y voir une démonstration de force mystique trop importante, la réalité est tout autre. Les témoignages de personnes authentiques auraient révélé que le Cheikh n’avait aucune garantie quant au fait qu’il reviendrait sain et sauf de ce saut en mer. Mais pour lui il était inconcevable de rater une prière juste pour être épargné du préjudice que pourrait lui causer son attitude. C’est-à-dire qu’il était prêt à mourir en mettant les ordres et les recommandations de Dieu largement au-dessus de la valeur de sa vie.

Pourquoi d’ailleurs un homme qui était capable de faire cela ne serait tout simplement pas rentré chez lui ? Et là, nous avons un autre trait caractéristique de Serigne Touba : son acceptation du destin et de sa conscience du fait que l’histoire suit un certain cours. Paulo Coelho, célèbre écrivain Brésilien disait : « Plus on s’approche de son rêve, plus la légende personnelle devient la véritable raison de vivre ».


Il savait que ce voyage était un Pacte qu’il avait signé avec le Seigneur. Voulant toujours respecter ses principes, il rejoignit l’autorité coloniale (ébahi par le fait qui venait de se produire) une fois sa prière terminée. 

Cela peut rappeler le Prophète Jésus (PSL) et sa résignation devant ceux qui vinrent l’arrêter pour l’exécuter. Pour un homme capable  des miracles qu’on lui attribue, il aurait pu s’échapper sans problèmes, mais le Prophète Jésus préféra se laisser crucifier et sacrifié au nom de ses principes.

Aujourd’hui 120 ans, la communauté musulmane et celle mouride en particulier fêtera cette prière de Cheikh Ahmadou Bamba sur la mer ce lundi 21 septembre 2015 à la plage de Diamalaye à 17h. Puisse Dieu accepter toutes les prières et qu’Il nous Gratifie de Sa Miséricorde.



abdoukhadre2011@gmail.com

20 commentaires:

  1. Pertinente analyse. Tu as su faire sortir l'essentiel des circonstances qu'avait vécues, en ces moments, le vénéré Cheikh.

    L'idéale, maintenant, n'est pas, selon nous, comme certains le pensent en voulant toujours rester à contempler, admirer, "aduler" cette attitude glorieuse de Serigne Touba face aux Blancs. L'idéale serait de tirer les enseignements à partir de ces signes. En fait, tout est SIGNE ici-bas. SIGNE, bien sûr, dans les textes normatifs notamment le Coran, SIGNE, également, dans ce qu'on peut appeler le GRAND LIVRE DU MONDE. De la même manière, SIGNE en les personnes hors du commun auxquelles peut appartenir le fondateur du Mouridisme. Et de ces signes, nous sommes condamnés véritablement à les percer. Surtout, nous qui nous jugeons détenir l'intellect, de faire partie de l'intelligentsia de notre contrée.

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    1. Toujours un plaisir de te lire mon grand. Je pense que tu as tout à fait compris mon message. Amoindrir les miracles aux profit du sens spirituel...

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  2. Et un blog personnel avec nomprenom.com ?
    Ce serait bien plus professionel je trouve.

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    1. Merci +Vieux Moussa pour la suggestion. On y travaille, c'est dans nos projets personnels. Merci de te lire

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  3. Dieureudieuff cheikhe ahmadou bamba

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  4. Dieureudieuff cheikhe ahmadou bamba

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  5. Moi,je voulait savoir si ce que vous avez dit de JÉSUS CHRIST est Vrai: Qu'il s'est laissé crucifié ?

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    1. Il est fit que Jésus Insa ibn Mariam n'a pas été crucifie. Dieu a donné à un traître Judas la forme de Jésus et il est ete pris et crucifie

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    2. bonsoir Jesus n'a pas ete crucifie

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  6. Comment serigne touba a fait pour remonte dans le bateux apres sa priere

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  7. Merci Abdou vous êtes toujours notre Dieuwrigne

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  8. Moi je ne comprend toujours pas car selon le texte c'est son farba qui a relaté que le cheick avait prier sur la mer et pas expliqué sa remonte sur le bateau

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  9. Rectification. La prière de asr c'est pas la prière de 14h mais plutôt de 17 h. 14h=dhohr

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  10. Le prophète Insa alleyhi salam n’a pas été crucifié, les gens du livre croient qu’il a été crucifié mais pas les musulmans. Apart ça vous avez fait une bonne analyse. Gloire à Allah Dieureudieuf Serigne Touba

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  11. Bjr pourrai je avoir le nom d'un xassida ou le cheikh a écrit cette aventure. Merci davance

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  12. Commen il l'a regagné le bateau après la prière ?

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  13. Commen il l'a regagné le bateau après la prière ?

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