Scandaleux aux yeux de l’autorité coloniale, miraculeux aux
yeux de toute une communauté. Il n’en est rien de cette prière de Serigne Touba
sur la mer. L’évènement est d’une portée spirituelle exceptionnelle.
À l’époque, la hargne anti-islamique du colonisateur avait
atténué l’engouement et relégué en pratique clandestine tout acte de dévotion,
dont les cinq prières obligatoires. Mais Cheikh Ahmadou Bamba, englouti par une
piété ininterrompue décida en toute légitimité d’y faire fi au nom du Seigneur
de l’Univers. Un comportement qui heurte au plus haut point les membres du
conseil privé de Saint-Louis. Voyant en cette démarche une déclaration d’hostilité,
par le Procès-Verbal numéro 1 et la délibération numéro 16, le conseil décida
de la déportation du Cheikh au Gabon. Le conseil privé de Saint-Louis, composé
essentiellement d’administrateurs français, décida à l’unanimité des 10 juges
de déporter Serigne Touba dans cette colonie d’Afrique Centrale en lui allouant
ainsi une pension d’un montant de 50 Euros.
Ahmadou resta à Dakar la nuit du jeudi 19, la journée du
vendredi 20 et la matinée du samedi 21 septembre 1895. Il monta à bord d’un
bateau du nom de « Ville de Pernambouc ». Ce bateau qui transporta
Cheikh Ahmadou Bamba était en effet un navire marchand et non un bateau de
transport comme le disent certains. D’où l’idée cohérente durant son voyage, de
son épreuve avec ce fameux taureau.
Le Cheikh était à bord de ce bateau depuis le vendredi 19
mais ne quitta le port que le samedi 21 septembre 1895. De quel port
s’agit-il ? Est-ce le port de Dakar ? Aucune archive n’est disponible
jusqu’à présent. D’ailleurs étant entre les mains des autorités françaises, le
Sénégal aurait pu avoir beaucoup de données sur lui. Mais la période couvrant
cet exil (1895-1902) reste presque sans archives. Pourquoi ? Deux
arguments sont avancés : 1) certains ont pour argument que le Cheikh ne
représentait pas grand-chose aux yeux des colons pour être l’objet
d’attention, mais rien qu’en lisant le procès-verbal du 5 septembre 1895, cette
idée me paraît tout à fait illogique.
Phrase phare du procès-verbal du 5 septembre 1895 : « Un
marabout du nom de d’Amadou Bamba, jouissait d’une influence considérable dans
tout le Bas-Sénégal, menaçait par ses agissements et par ceux de ses talibés,
de troubler la tranquillité de la région. » Le Cheikh durant tout l’exil
n’a jamais mené une guerre sainte sous le pseudonyme de JIHAD. Le seul JIHAD
qu’il recommandait et qui était reconnu de tout le monde, c’’était celui de
l’âme. Rappelons aussi qu’il n’a jamais détenu d’armes ni incité ses disciples d’en
détenir.
Deuxième argument concernant l’indisponibilité des
archives : ce qui paraît tout à fait logique, est que ces documents, s’ils
existent, n’ont pas été révélés car ils écorneraient beaucoup l’image et le
prestige de ceux qui l’ont emmené.
Le bateau a quitté ainsi Dakar depuis quelques heures, et
c’est le moment de la prière d’ASR (la prière de 14H). Serigne Touba se prépara
en faisant ses ablutions, mais au moment de célébrer la prière, on l’en
empêcha. Une dame blanche survint de nulle part, se dressa devant lui et le
toucha. Serigne Touba sous l’emprise de la colère, reformula l’intention et
reprit ses ablutions. C’est au moment où il se lavait la tête que la dame refit
surface et le toucha de nouveau.
D’après notre analyse, c’est ce petit jeu à la dame française
qui a retardé la prière du Cheikh. Comme le temps imparti pour prière est
constitué de deux phases (il y a le temps d’élection d’une part et le temps
imparti qui est beaucoup plus long), Serigne Touba ne pria pas pendant la
première.
Serigne Touba a toujours voulu accomplir ses obligations
religieuses, toujours. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Mais
c’était sans compter sur l’opposition farouche du Blanc qui lui interdit, comme
un ordre taillé sur mesure, de prier dans leur navire. En effet, une portée
symbolique à avouer ici et maintenant. Les autorités coloniales n’avaient plus
d’autres issues que de le piéger. Reste à voir maintenant quelle sorte de
pièges tendre au Cheikh. Les autorités en charge du navire n’avaient d’autre
choix que l’humiliation et le rejet. L’idée consisterait de trouver un moyen
rapide et efficace afin de se débarrasser du Cheikh avant que le bateau
n’arrive à destination.
C’est un jet pas du tout physique. Disons que c’était un
rapport de force orale du blanc poussant ainsi Serigne Touba à se sentir
« offusqué ». Ce qui l’obligerait à passer à l’acte pour un homme
dont la foi en Dieu est incommensurable. « Tu
n’as jamais transgressé les règles de ton Seigneur et tu n’as jamais causé du
tort à ton prochain. La prière est une des recommandations cruciale pour tout
musulman, l’heure de la prière approche, tu nous causeras du tort si cette
prière serait faite dans notre bateau et si tu arrives à la manquer, tu
transgresseras une des fortes recommandations de DIEU. »
En ces mots, le destin avait tranché, Serigne Touba n’avait
d’autre choix que la mer qui l’entoure. D’ailleurs Serigne Moussa Kâ, grand
Poète wolof et disciple de Cheikh Ahmadou Bamba dans son ouvrage Les dons du digne de reconnaissance, le
cycle de l’océan dit « C’est
ce jour-là qu’ils le jetèrent dans l’océan. Et ils lui dirent : tu vas
bientôt disparaître à cause de ta turbulence ». Admettons qu’il était
devenu trop gênant aux yeux de l’administration coloniale. C’est ce qui a toujours
justifié ses privations de libertés, ses détentions arbitraires, ses nombreuses
mises en résidences surveillées, ses déportations et nombreux voyages sans
compter toutes les souffrances qu’il a dû endurer dans chacune de ces étapes.
Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké fit ainsi ses ablutions de
nouveau et accomplit la prière, les anges de Badr alignés derrière lui.
L’enseignement a tiré de ce phénomène au-delà de ses effluves exceptionnels,
c’est la croyance en nos principes. Ne serait-ce qu’un sentiment d’abandon du
Cheikh disant que ce serait presque impossible de prier en haute mer et que
Dieu l’aurait compris, nous ne serions pas là peut-être à rédiger cet article. Persévérance
et croyance doivent nous guider à bras le corps.
Ce qui rend cet événement intéressant et impressionnant d’un point de vue spirituel, c’est l’état d’esprit qui animait Serigne Touba. Sa psychologie n’était nullement ébranlée par les autorités. Alors que certains veulent y voir une démonstration de force mystique trop importante, la réalité est tout autre. Les témoignages de personnes authentiques auraient révélé que le Cheikh n’avait aucune garantie quant au fait qu’il reviendrait sain et sauf de ce saut en mer. Mais pour lui il était inconcevable de rater une prière juste pour être épargné du préjudice que pourrait lui causer son attitude. C’est-à-dire qu’il était prêt à mourir en mettant les ordres et les recommandations de Dieu largement au-dessus de la valeur de sa vie.
Il savait que ce voyage était un Pacte qu’il avait signé avec
le Seigneur. Voulant toujours respecter ses principes, il rejoignit l’autorité coloniale
(ébahi par le fait qui venait de se produire) une fois sa prière terminée.
Cela peut rappeler le Prophète Jésus (PSL) et sa résignation
devant ceux qui vinrent l’arrêter pour l’exécuter. Pour un homme capable des miracles qu’on lui attribue, il aurait pu
s’échapper sans problèmes, mais le Prophète Jésus préféra se laisser crucifier
et sacrifié au nom de ses principes.
abdoukhadre2011@gmail.com
Pertinente analyse. Tu as su faire sortir l'essentiel des circonstances qu'avait vécues, en ces moments, le vénéré Cheikh.
RépondreSupprimerL'idéale, maintenant, n'est pas, selon nous, comme certains le pensent en voulant toujours rester à contempler, admirer, "aduler" cette attitude glorieuse de Serigne Touba face aux Blancs. L'idéale serait de tirer les enseignements à partir de ces signes. En fait, tout est SIGNE ici-bas. SIGNE, bien sûr, dans les textes normatifs notamment le Coran, SIGNE, également, dans ce qu'on peut appeler le GRAND LIVRE DU MONDE. De la même manière, SIGNE en les personnes hors du commun auxquelles peut appartenir le fondateur du Mouridisme. Et de ces signes, nous sommes condamnés véritablement à les percer. Surtout, nous qui nous jugeons détenir l'intellect, de faire partie de l'intelligentsia de notre contrée.
Toujours un plaisir de te lire mon grand. Je pense que tu as tout à fait compris mon message. Amoindrir les miracles aux profit du sens spirituel...
SupprimerEt un blog personnel avec nomprenom.com ?
RépondreSupprimerCe serait bien plus professionel je trouve.
Merci +Vieux Moussa pour la suggestion. On y travaille, c'est dans nos projets personnels. Merci de te lire
SupprimerDieurdieufé Serigne Touba
RépondreSupprimerDieureudieuff cheikhe ahmadou bamba
RépondreSupprimerDieureudieuff cheikhe ahmadou bamba
RépondreSupprimerMoi,je voulait savoir si ce que vous avez dit de JÉSUS CHRIST est Vrai: Qu'il s'est laissé crucifié ?
RépondreSupprimerIl est fit que Jésus Insa ibn Mariam n'a pas été crucifie. Dieu a donné à un traître Judas la forme de Jésus et il est ete pris et crucifie
Supprimerbonsoir Jesus n'a pas ete crucifie
SupprimerComment serigne touba a fait pour remonte dans le bateux apres sa priere
RépondreSupprimerMerci Abdou vous êtes toujours notre Dieuwrigne
RépondreSupprimerMoi je ne comprend toujours pas car selon le texte c'est son farba qui a relaté que le cheick avait prier sur la mer et pas expliqué sa remonte sur le bateau
RépondreSupprimerRectification. La prière de asr c'est pas la prière de 14h mais plutôt de 17 h. 14h=dhohr
RépondreSupprimerNotre fierté
RépondreSupprimerLe prophète Insa alleyhi salam n’a pas été crucifié, les gens du livre croient qu’il a été crucifié mais pas les musulmans. Apart ça vous avez fait une bonne analyse. Gloire à Allah Dieureudieuf Serigne Touba
RépondreSupprimerBjr pourrai je avoir le nom d'un xassida ou le cheikh a écrit cette aventure. Merci davance
RépondreSupprimermawahibou nafih
SupprimerCommen il l'a regagné le bateau après la prière ?
RépondreSupprimerCommen il l'a regagné le bateau après la prière ?
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