Je ne me suis jamais prononcé sur la question de la mendicité
au Sénégal. Que ce soit celle des enfants, des soit disant « talibés »,
des pères et des mères de famille avec leur rêves anéantis et qui ont décidé de
manière mature ou pas de tendre la main à qui passe.
De mon point de vue personnel, la mendicité n’est pas prête à
tirer sa révérence pour plusieurs raisons.
Le paroxysme du taux de chômage gagne du terrain. Le manque
de revenus croissant que subit le pays est parlant. Des milliers d’hommes et de
femmes sont réduits plus que jamais à l’infirmité quand l’espoir ne leur est
plus permis. D’aucuns parleraient d’épiphénomènes récurrents, d’autres diront
qu’il y a maintenant une prolifération de mendiants. Et comme si ce fait ne
pourrait jamais nous retomber dessus en tant que humain, on les qualifie ou les
cadenasse en ces termes : « des bêtes malfaisantes. »
L’histoire et l’ampleur sont d’autant plus profondes qu’on ne
saurait en déterminer ni le début ni la fin. Nous tous sommes responsables.
Ceux ou celles qui dirigent tous ces mouvements de soutien et de lutte contre
la mendicité en réalité peineraient à vous expliquer le direct motif d’un tel
combat si ce n’est que les mendiants doivent tous déguerpir nos rues. C’est à
peu près le même combat contre les marchands ambulants à qui on a collé plusieurs
étiquettes : harcèlement de passants, ils empuantissent la ville de leurs
miasmes, dénaturent le panorama idyllique de la cité.
Les mendiants se voient eux aussi attribuer la plus lourde
tâche : ils effraient les touristes: inacceptable. Ç’en est trop !
Voilà l’argumentaire avancé. Nous contribuons nous tous que ce soit de manière
directe ou indirecte à cette cause. Nous arrosons toujours qu’on le sache ou
non la plante de la mendicité. Pourquoi la pharmacienne d’à côté fait l’échange
de ses billets de banque avec des pièces à l’enfant talibé pour avoir de la
monnaie tous les jours ? N’est-ce pas là une source directe du pourquoi la
mendicité dure ?
Pourquoi moi et vous sommes obligés de donner l’aumône tous
les matins ? Pourquoi ? À qui donne-t-on cette aumône ? Nous avons
des réalités tristement et fortement ancrées en mémoire. En combattant la
mendicité, on met en même temps des barrières pour sa protection. Dans la
religion musulmane par exemple on astreint les croyants à la Zakat, c’est à
dire à faire l’aumône, un des piliers fondamental de l’Islam.
Mais des fois l’ambition qu’a la personne qui donne montre à
quel degré notre société germe ses pourritures. Nous sommes fortement plongés
dans l’animisme clandestin. Nos « marabouts traditionnels »
prescrivent très régulièrement à ceux qui viennent les voir des aumônes
spécifiques pour se prémunir du malheur et se garantir le succès, la santé, et
d’autres choses encore. Les « déchets humains » n’auront-ils pas finalement
gain de cause puisque c’est nous qui avons besoin d’eux ? Une société sans
mendiants ne serait pas peut-être une société sénégalaise.
Et au prix des pratiques les plus mystiques inimaginables, il
est prêt à ramener ses congénères au paléolithique. Nous sommes avec tout type
de sacrifice qu’on donne à ces personnes dites « de la rue » pour
atteindre nos objectifs prémédités par le marabout du coin. Je me suis laissé
dire qu’on a profané y a juste deux jours 3 tombes d’un cimetière musulman. Et
ces pratiques ? Sont-elles gratuites à votre avis ? Qui les préconise
et à quelle fin ? De bien-être ou d’aisance matérielle ?
Au lieu de se pencher sur les causes génératrices de la
mendicité, on assiste plutôt ici à la stigmatisation, puis à la déshumanisation
de l’individu, qui finit d’ailleurs par avoir l’effet contraire : convaincre
les mendiants de leur humanité.
abdoukhadre2011@gmail.com
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