Guèer, Guéweul, Niénio, Teugue, Garmy… Ces maux avec
lesquels il faut encore lutter jusqu’à la dernière goutte de sueur ! Rejeter
l’autre sous prétexte qu’il appartient à telle ou telle caste est d’abord un
acte de mauvaise foi.
Bon nombres de mourides, disons d’ailleurs de
musulmans tout court refusent de marier leurs filles à un homme (fut-ce un
millionnaire) sous prétexte qu’il appartient à une « caste
inférieure » au Sénégal. Il faut que tout le monde le sache pendant qu’on
y est, le CHEIKH a toujours eu la détermination d’abroger le phénomène de la
coterie sociale qu’encourageait l’esprit fratricide de caste et de clan qui régnait
dans la société et qui empêchait l’union de ses membres et la coopération entre
eux, en ce sens que chacun cabalait contre les membres d’un autre.
Remontons un peu l’histoire. Il y avait au Sénégal,
avant la conquête coloniale, deux classes essentielles : une haute classe
pour le « Garmi » (noble) et une basse classe pour le
« Badola » (le paysan). Donc du haut en bas de la hiérarchie se
trouvaient respectivement : le « Bourba » (Empereur) qui,
occupant le sommet de la classe dirigeante, était à la tête de l’empire
wolof ; aux échelles sociales inférieures viennent les « Laman »
(Vice-rois) des différents territoires (Waalo, Kajoor, Bawol, Sine et
Saloum) ; les « Garmi » (Princes), les « Kàngam », les
« Tara » (enfants issus d’une mère esclave et d’un père libre), les
« Njambour », les « Niéno », et en dernier lieu, les
esclaves. Et à la dislocation de l’empire Wolof, chaque territoire s’érigea en
royaume indépendant et conserva la même organisation.
A travers la diffusion de l’esprit d’égalité et de
fraternité musulmane entre les disciples, le Cheikh lutta donc efficacement
contre ce phénomène de discrimination sociale. Le CHEIKH proclamait en fait,
que la supériorité doit être le fruit de la piété et de la bonne action et non
celui de l’appartenance ethnique ou raciale. On peut faire allusion aussi à ses
écrits dans MASAALIK-UL JINAAN ou les itinéraires du Paradis :
« L’homme le plus estimé auprès
d’ALLAH, est celui qui le craint le plus, sans discrimination d’aucune sorte.
La couleur de la peau ne saurait être cause de l’idiotie d’un homme ou de sa
mauvaise compréhension » Cette position fait prévaloir comme il nous
l’apprend le principe que DIEU a formulé en ces termes :
« Le jour où l’on aura soufflé dans la trompe
[pour mettre fin à ce monde], la généalogie ne comptera pas entre eux. Ils ne
s’interrogeront pas non plus [là-dessus] ;
Parmi vous, le plus noble aux yeux de DIEU est le plus pieux »
Ainsi, même dans le travail, on ne distinguait guère les personnes des
différentes ethnies. De même, il unissait dans les mariages des personnes
d’ethnies et de classes sociales différentes.
Serigne Touba prônait le syncrétisme confrérique et
l’unité (même dans la diversité) de tous les musulmans quelles que soient leurs
obédiences confrériques. C’est ainsi qu’il écrivait dans MASAALIK-UL JINAAN ou
les itinéraires du Paradis que toutes les voies confrériques mènent à
DIEU : « Toutes les confréries [littéralement Wird] guident le
disciple vers Sa Majesté sans le détourner [du droit chemin] »
Ceci nous montre indubitablement et avec netteté
comment le CHEIKH détestait le sectarisme qui ne fait que détruire la fratrie
de la communauté islamique. Cette désunion musulmane est condamnée même par le
texte coranique : « Attachez-vous tous à l’Ordre [littéralement
corde] de DIEU et ne vous séparez pas [les uns des autres] Sourate 3 (La
famille d’Imran), verset 103. Cette position défavorable au sectarisme est
aussi celle des autres guides spirituels. Par exemple, Seydi El Hadji Malick Sy
fustigeait fermement toute attitude sectaire dans son ouvrage qui s’intitule
Kifâyat Al-Râghibîn. L’auteur de cet ouvrage cite à ce propos le hâdith où le
Prophète SWS disait : « Vous ne serez pas de vrais croyants tant que
vous n’arriverez pas à être mutuellement attachés par l’amour [fraternel]
Cette division des fois freinent de réels projets, y
compris les projets de mariage. Sur un article que j’avais lu sur un site
d’information, ceci est un vrai problème surtout en ce 21ième siècle.
Nombreux sont les parents qui s’opposent de plus en
plus aux mariages de leurs enfants, pour des raisons qu’ils jugent importantes
à leurs yeux et aux yeux de leurs familles. Certains des enfants se révoltent
pour sauver leur amour, mais ne tardent pas à payer les pots cassés d’une telle
désobéissance. Car, cela pousse souvent la famille à les abandonner et à leur
couper les vivres.
Malgré le 21e siècle et la vie moderne qu’incarnent
les jeunes, les parents sont toujours attachés à des jugements de valeur qu’ils
pensent nécessaires. Ceci par respect pour la tradition ou la pensée de leurs
proches à leur égard. Parce que le choix de leurs enfants, pour prendre une
épouse, peut leur faire du tort aux yeux de la société.
La décision qui est la plus importante et la moins
négligée dans les familles sénégalaises, c’est quand leurs enfants deviennent
grands et pensent à épouser leurs compagnons. À ce moment, c’est la mère qui
mène son enquête avant l’action finale qui doit être accomplie par le père pour
le mariage.
La mère a recours à son griot pour savoir la famille
d’origine du jeune homme ou de la jeune famille. La famille est-elle pauvre ?
Est-ce une famille castée ? Quelle est sa religion ? Voilà le début du
calvaire des amoureux, et les parents qui feront tout pour les séparer.
La famille «sous-estimée» par manque de moyens,
le fameux «xeebaaté»
Les deux parents peuvent refuser de donner leurs
enfants en mariage prétextant que l’autre famille n’a pas de moyens. Celle de
la fille peut refuser de la marier à n’importe quelle famille, surtout si cette
dernière est pauvre. Alors, ils ne vont pas la marier au garçon et l’envoyer
ainsi vivre dans la précarité. Surtout pour une fille qui a vécu dans de bonnes
conditions et reçu une bonne éducation.
La mère se verra couverte de honte au sein de la
famille et devant ses proches. Car, pour certaines mères, pensent ne pas
mériter ce qu’elles considèrent comme de l’opprobre, pour avoir vécu et
supporté beaucoup de chose dans la maison de leur époux. Raison pour laquelle,
sa fille doit avoir le meilleur des maris qui pourra subvenir à ses besoins et
à ceux de ses parents, en guise de récompense à tous ses sacrifices.
Le fait le plus récurrent, c’est quand la famille du
garçon, et surtout sa mère, s’oppose au mariage du fils au motif que les
parents de la fille n’ont pas de moyens nécessaires pour couvrir de cadeaux la
belle-famille. Comme la tradition la demande, une belle fille de la famille
doit faire le «téral», comme appelé chez nous, si elle donne naissance à un enfant.
Ce baptême sera l’occasion pour la mère d’étaler toutes ses largesses et tous
ses moyens pour faire honneur à la famille de l’époux de sa fille.
Si les jeunes n’y accordent aucune importance, les
parents croient encore aux castes. C’est un phénomène très présent au Sénégal,
même si certains prétendent qu’il commence à disparaître. De nombreux jeunes
vivent le grand amour jusqu’au jour où ils prennent l’importante décision de
s’unir. C’est en ce moment que commencent les préjugés et l’œil de la tradition
envers une relation.
Les parents sont contre le mariage de leurs enfants
pour la simple raison que la jeune fille est soit musulmane ou chrétienne. Et
que leurs petits-enfants doivent avoir une mère de la même religion que la
famille de son père.
La religion musulmane n’interdit pas à un garçon
d’épouser une fille d’une autre religion. Il n’empêche que les parents sont là
pour faire la police et n’accepteront jamais une telle union. Pareilles pour
certaines familles chrétiennes chez lesquelles il n’y a pas de place pour une
fille d’une autre religion dans leur maison. Ces pratiques sont fréquentes,
même si les Sénégalais véhiculent des messages pour dire que nous sommes tous
des parents, pour une bonne cohabitation dans le pays.
abdoukhadre2011@gmail.com
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