dimanche 17 août 2014

Chez nous

Être chez nous, c’est être chez vous. Vous pouvez choisir de lire, d’écrire, de passer en revue nos étagères, nos bibliothèques. Chez nous, c’est chez vous. Une dose euphorique d’amitié et de partage vous y attend.
Vous pouvez vous incliner pour choisir un livre, s’offrir notre vie, s’offrir à ces fleurs qui sont d’une beauté inaltérable car chez nous, c’est chez vous. Nous nous accrochons toujours à notre regard, chez nous, c’est un décrochage d’un tableau où nous peignons nos couleurs de regrets drapés sous des habits de sang écœuré. Chez nous, c’est chez vous, c’est chez lui, c’est chez elle. Nous croquons dans un macaron en emportant les fleurs d’été et d’hiver, nous emportons le vase autarcique ou clos, nous entourons et cernons la table à manger ensemble. Puis peut-être rester dîner où nous restons à discuter jusque tard dans la soirée. Chez nous, c’est chez vous !

Être dans la rue et sans travail, c’est chez nous. Trouve une bonne âme pour l’héberger, son copain chômeur, déménageur et buveur de thé, il est chez lui et chez lui c’est chez nous. Qui vit chez nous avec sa copine sous l’arbre à palabre. Terribles révélations d’un loser, chez nous, c’est la déréliction totale. Pères et fils manifestent leur différence d’âge, on a peur de regarder vers l’avenir. Chez nous, c’est stupéfiant et sidérant à la fois. Nous allons non seulement faire perdre son travail à autrui avec ces fils-mystiques mais également le brouiller avec ses amis, ses parents. Chez nous, c’est le signal qui se cherche, nous avons brouillé celui de la vie. Tandis que les tourtereaux finissent par se raccommoder, chez nous c’est difficile les trente derniers jours du mois. De nouveau, seuls, face au miroir, nous nous demandons bien comment tuer définitivement cet ennemi que nous voyons en face. Nous élaborons de nouvelles galères car chez nous, c’est la routine en refusant de changer de fusil d’épaule.

Encore une fois, nous avons été attirés par la chair et nous avons cédé à la tentation. C’est plus fort que nous. Nous sommes de toutes les générations. C’est la rue qui nous a dicté nos codes et c’est sur le trottoir que nous trouvons notre route. Chez nous les nouveaux mâles, les hormones prennent toujours le dessus sur l’intellect. Chez les grandes dames, oups… les fillettes du moins, nous sommes à la mode de la fille domestiquée, et qui parvient à retrouver sa liberté et son instinct animal une fois dehors. Ce qui fait que parfois, le « Dakar by night » a des airs de lupanar géant ou un « Dakar ne dort pas » avec des scènes de films « soft » synonymes d’un « Serial killer » américain dans lesquelles jouent des jeunes filles qui osent le balconnet et des garçons qui affûtent le bâtonnet.

Chez nous, c’est un sentiment dubitatif. Les fils toussotent sempiternellement. D’une manière saillante, ils sont momentanément en syncope. Ils ont anéanti le sacrifice des pères. Chez nous, c’est l’Afrique, c’est en Afrique, c’est Africain. De l’humilité, des valeurs et des principes. Mais le sacrifice des tirailleurs n’aura servi à grand-chose car les fils développent une forte dose de nihilisme. Chez nous, c’est un questionnement éternel que nous nous posons, sous notre lit, sous le paillasson et au-dessus. Les colonisateurs n’y sont plus mais les colonisés nous étranglent, nous encerclent et nous brûlent à petit feu. Chez nous, c’est les colocataires qui gênent. Les fils refusent d’aspirer à l’émergence. 

Les nôtres sont complexés. Pourquoi chez nous, c’est chez tout le monde ? Nous rentrons à n’importe quelle horloge, nous en sortons à n’importe laquelle. Les passeports et les visas n’y sont pas contrôlés pour certains. Chez nous, c’est la catastrophe qui est catastrophique.

Chez nous, c’est le lion qui est l’emblème national me dit-on. Nous sortons dans la rue, mais nous ne voyons pas de lion. Le lion est parti parce qu’il n’y a plus de lion. Le lion refuse de rugir car chez nous, ce sont les hommes qui sont versatiles. Le lion deviendra brebis sous peu car les habitants ne rient plus à cause du riz, chez eux, c’est chez nous. Les murs ne sont plus peints en rose mais en rouge. Chez nous, c’est le sang qui prédomine et qui domine. Ils ont tout balkanisé, tout souillé et l’ambulance ne se repose guère. Des va-et-vient en continuité, chez nous, c’est le mythe qui s’effondre et les savants tombent de jour en jour. 

Et pourtant chez nous, nous sommes trop émotionnels, c’est la petite goutte de trop qui a fait déborder le vase. C’est parce que nous nous volons mutuellement. À force de ne plus craindre personne chez nous, nous sommes laissés-pour compte, la maison d’arrêt et de correction devient la maison d’arrêt et de corruption. Mais n’oubliez jamais que chez nous, c’est toujours chez vous !

abdoukhadre2011@gmail.com

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