L’Etranger est le premier roman d’Albert Camus. Publié en
1942, il obtient en 1957 le Prix Nobel de littérature, donc 15 années plus
tard. On assiste à un récit philosophique marquant avec comme thème central l’Absurdité
incarnée ici par le personnage principal Meursault.
Le début du roman semble
être attirant et dégoutant à la fois « Aujourd’hui, maman est morte. Ou
peut-être hier, je ne sais pas. » A priori, on peut y défalquer le
sentiment de désintéressement total face à toute idée d’émotion, tout
attachement au désir de céder à la peur et au bouleversement.
Meursault qui vit dans une société qui lui est propre accorde
très peu d’importance aux règles et conduites qu’une « personne intégrée »
se devrait de tenir. Deux jours de congé pour lui suffisent pour assister aux
funérailles de sa mère à l’asile de vieillards à Marengo, quatre-vingts
kilomètres d’Alger.
Stigmatisé par une société et des proches qui lui porteront
préjudice du fait de ne pas accorder beaucoup d’importance à sa mère internée à
l’asile, il se sentira mal compris. Lui jugeant que c’était l’endroit le plus
digne pour y faire séjourner sa mère d’autant plus qu’il n’avait pas les moyens
de subvenir à ses besoins.
Camus nous y montre une autre forme de personnalité qu’on n’a
pas l’habitude de voir dans notre société : une personne sereine, absurde
et qui ne trouve aucune forme d’entrave quant à l’accomplissement de ses
habitudes quotidiennes. Meursault fume et boit devant le cercueil de sa mère,
même s’il s’est interrogé en un moment donné « Mais j’ai hésité parce que
je ne savais pas si je pouvais le faire devant maman »
Même s’il jugeait que l’asile était l’endroit le plus idéal
pour sa maman, Meursault ne nie pas qu’il se sent plus à l’aise sans la
présence de cette dame. Ses promenades en campagne, en effet, lui font toujours
plaisir s’il n’était pas accompagné, s’il n’y avait pas eu sa mère. Toujours
gênante même dans son cercueil. Meursault ne sent pas la nécessité d’aller voir
maman une dernière fois en la présence des employés funèbres qui doivent fermer
la bière.
L’idée de toute absurdité est incarnée par Meursault, il ne
connaît pas l’âge de sa mère. Ne connaissant pas la date exacte, il préfère la
qualifier en une seule phrase très simple « Elle était vieille ». Après
l’enterrement de cette dernière, c’est le libertinage total : dormir,
fumer de la cigarette, errer dans l’appartement, embrasser Marie et se
permettre tout ce qui était interdit. « Maman était maintenant enterrée,
que j’allais reprendre mon travail et que, somme toute, il n’y avait rien de
changé. »
Dirait-on un Meursault en manque d’imagination et qui n’a
rien à avoir avec l’accomplissement d’un destin déjà tracé ? Un personnage
désirant mener une vie simple sans tambours ni trompettes ? De retour au
travail, son patron le convoque afin de lui proposer une promotion avec l’installation
d’un nouveau bureau à Paris. « Vous êtes jeune, et il me semble que c’est
une vie qui doit vous plaire » « j’ai dit que oui mais que dans le
fond cela m’était égal »
Toute idée de désintéressement est incarnée par ce
personnage. Marie le cherchant pour lui demander de se marier avec elle se voit
réduite en ces quelques mots « J’ai dit que cela m’était égal et que nous
pourrions le faire si elle le voulait ». Le tournant de ce roman est l’assassinat d’un
des Arabes qui en voulait à Raymond. Quelques minutes après un vif accrochage
avec la bande, Meursault se rend au même endroit pour une promenade. Et cette
fois-ci il y trouva l’Arabe qui tira son couteau qu’il a présenté dans le
soleil. La gâchette cède, Meursault touche le ventre poli de la crosse. Il tira
par la suite quatre fois sur un corps inerte.
Meursault arrêté pour emprisonnement continue son absurdité
jusqu’en prison. Il écarte toute idée d’avoir un avocat qui pourra le défendre
une fois à la barre. « Il était absolument nécessaire d’en avoir un ? »
« Pourquoi ? » « Je trouvais mon affaire très simple »
(UN ASSASSINAT !!!!) Camus se montre analyste à travers ce roman. Ne
devrons-nous pas regarder cette société d’une autre manière ? « Tous
les êtres sains avaient plus ou moins souhaité la mort de ceux qu’ils aimaient. »
Un regard porté sur les détenus. En prison, on finit par
perdre la notion du temps. Toujours la routine, les mêmes habitudes, la boucle
infinie. Il n’y a pas d’issue et personne ne peut imaginer ce que sont les
soirs dans les prisons. Les membres de cette société ne s’intéressent pas à votre
évolution, n’accordent aucune forme d’importance à ce que vous faites. D’habitude,
les gens ne s’occupent pas de votre personne, mais il faudra un petit effort pour
comprendre que vous êtes la cause de pas mal d’agitation. Ce monde vous a à l’œil !
Camus nous dit à travers Meursault que cette société nous suivra partout et ne
nous lâchera pas « Même sur le banc des accusés, il est toujours
intéressant d’entendre parler de soi ».
Aucune forme d’issue pour Meursault. Pas d’arrangement après
une enquête de moralité. Le Président et l’auditoire ont appris, le jour du
procès, qu’il n’avait manifesté aucun regret suite au décès et à l’enterrement
de sa mère. Ils n’avaient pas compris le sentiment de détachement qu’incarnait
Meursault allant jusqu’à tirer à plusieurs reprises sur le corps sans vie de l’Arabe.
Et pour cela, aucune pitié ! « Le Président m’a dit dans une forme
bizarre que j’aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple
français »
Des leçons de vie propagées par Camus. Les gens d’ici ne vous
feront pas de cadeau. Votre souvenir sera indifférent une fois votre mort. Vous
n’intéresserai plus personne ! Les gens vous oublieront très vite après que
vous ayez quitté ce monde. Ils n’auront rien à faire avec vous simplement. De
ce fait, ne vous dites pas que cela est dur à penser, c’est la réalité malgré
tout. Vous mourrez plus tard même si vous ne mourrez pas aujourd’hui. La seule
et l’unique question qui vaille comme le dit Camus « Comment
aborderez-vous cette épreuve ? »
Meursault est finalement condamné à l’exécution dans une
place publique comme promis par le Président du tribunal. Il savait qu’on le haïssait
depuis le début, que cette société ne lui fera pas de cadeaux. « Il me
restait plus qu’à souhaiter qu’il y avait beaucoup de spectateurs le jour de
mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine »
abdoukhadre2011@gmail.com
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