jeudi 4 juin 2015

Énième critique littéraire : L'Etranger d'Albert Camus



L’Etranger est le premier roman d’Albert Camus. Publié en 1942, il obtient en 1957 le Prix Nobel de littérature, donc 15 années plus tard. On assiste à un récit philosophique marquant avec comme thème central l’Absurdité incarnée ici par le personnage principal Meursault.

Le début du roman semble être attirant et dégoutant à la fois « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » A priori, on peut y défalquer le sentiment de désintéressement total face à toute idée d’émotion, tout attachement au désir de céder à la peur et au bouleversement.

Meursault qui vit dans une société qui lui est propre accorde très peu d’importance aux règles et conduites qu’une « personne intégrée » se devrait de tenir. Deux jours de congé pour lui suffisent pour assister aux funérailles de sa mère à l’asile de vieillards à Marengo, quatre-vingts kilomètres d’Alger. 

Stigmatisé par une société et des proches qui lui porteront préjudice du fait de ne pas accorder beaucoup d’importance à sa mère internée à l’asile, il se sentira mal compris. Lui jugeant que c’était l’endroit le plus digne pour y faire séjourner sa mère d’autant plus qu’il n’avait pas les moyens de subvenir à ses besoins.

Camus nous y montre une autre forme de personnalité qu’on n’a pas l’habitude de voir dans notre société : une personne sereine, absurde et qui ne trouve aucune forme d’entrave quant à l’accomplissement de ses habitudes quotidiennes. Meursault fume et boit devant le cercueil de sa mère, même s’il s’est interrogé en un moment donné « Mais j’ai hésité parce que je ne savais pas si je pouvais le faire devant maman »

Même s’il jugeait que l’asile était l’endroit le plus idéal pour sa maman, Meursault ne nie pas qu’il se sent plus à l’aise sans la présence de cette dame. Ses promenades en campagne, en effet, lui font toujours plaisir s’il n’était pas accompagné, s’il n’y avait pas eu sa mère. Toujours gênante même dans son cercueil. Meursault ne sent pas la nécessité d’aller voir maman une dernière fois en la présence des employés funèbres qui doivent fermer la bière.

L’idée de toute absurdité est incarnée par Meursault, il ne connaît pas l’âge de sa mère. Ne connaissant pas la date exacte, il préfère la qualifier en une seule phrase très simple « Elle était vieille ». Après l’enterrement de cette dernière, c’est le libertinage total : dormir, fumer de la cigarette, errer dans l’appartement, embrasser Marie et se permettre tout ce qui était interdit. « Maman était maintenant enterrée, que j’allais reprendre mon travail et que, somme toute, il n’y avait rien de changé. »

Dirait-on un Meursault en manque d’imagination et qui n’a rien à avoir avec l’accomplissement d’un destin déjà tracé ? Un personnage désirant mener une vie simple sans tambours ni trompettes ? De retour au travail, son patron le convoque afin de lui proposer une promotion avec l’installation d’un nouveau bureau à Paris. « Vous êtes jeune, et il me semble que c’est une vie qui doit vous plaire » « j’ai dit que oui mais que dans le fond cela m’était égal »

Toute idée de désintéressement est incarnée par ce personnage. Marie le cherchant pour lui demander de se marier avec elle se voit réduite en ces quelques mots « J’ai dit que cela m’était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait ».  Le tournant de ce roman est l’assassinat d’un des Arabes qui en voulait à Raymond. Quelques minutes après un vif accrochage avec la bande, Meursault se rend au même endroit pour une promenade. Et cette fois-ci il y trouva l’Arabe qui tira son couteau qu’il a présenté dans le soleil. La gâchette cède, Meursault touche le ventre poli de la crosse. Il tira par la suite quatre fois sur un corps inerte.

Meursault arrêté pour emprisonnement continue son absurdité jusqu’en prison. Il écarte toute idée d’avoir un avocat qui pourra le défendre une fois à la barre. « Il était absolument nécessaire d’en avoir un ? » « Pourquoi ? » « Je trouvais mon affaire très simple » (UN ASSASSINAT !!!!) Camus se montre analyste à travers ce roman. Ne devrons-nous pas regarder cette société d’une autre manière ? « Tous les êtres sains avaient plus ou moins souhaité la mort de ceux qu’ils aimaient. » 

Un regard porté sur les détenus. En prison, on finit par perdre la notion du temps. Toujours la routine, les mêmes habitudes, la boucle infinie. Il n’y a pas d’issue et personne ne peut imaginer ce que sont les soirs dans les prisons. Les membres de cette société ne s’intéressent pas à votre évolution, n’accordent aucune forme d’importance à ce que vous faites. D’habitude, les gens ne s’occupent pas de votre personne, mais il faudra un petit effort pour comprendre que vous êtes la cause de pas mal d’agitation. Ce monde vous a à l’œil ! Camus nous dit à travers Meursault que cette société nous suivra partout et ne nous lâchera pas « Même sur le banc des accusés, il est toujours intéressant d’entendre parler de soi ».

Aucune forme d’issue pour Meursault. Pas d’arrangement après une enquête de moralité. Le Président et l’auditoire ont appris, le jour du procès, qu’il n’avait manifesté aucun regret suite au décès et à l’enterrement de sa mère. Ils n’avaient pas compris le sentiment de détachement qu’incarnait Meursault allant jusqu’à tirer à plusieurs reprises sur le corps sans vie de l’Arabe. Et pour cela, aucune pitié ! « Le Président m’a dit dans une forme bizarre que j’aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français »

Des leçons de vie propagées par Camus. Les gens d’ici ne vous feront pas de cadeau. Votre souvenir sera indifférent une fois votre mort. Vous n’intéresserai plus personne ! Les gens vous oublieront très vite après que vous ayez quitté ce monde. Ils n’auront rien à faire avec vous simplement. De ce fait, ne vous dites pas que cela est dur à penser, c’est la réalité malgré tout. Vous mourrez plus tard même si vous ne mourrez pas aujourd’hui. La seule et l’unique question qui vaille comme le dit Camus « Comment aborderez-vous cette épreuve ? »

Meursault est finalement condamné à l’exécution dans une place publique comme promis par le Président du tribunal. Il savait qu’on le haïssait depuis le début, que cette société ne lui fera pas de cadeaux. « Il me restait plus qu’à souhaiter qu’il y avait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine »

abdoukhadre2011@gmail.com

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