Pourquoi nous obstinons-nous à afficher cette autre
prétention selon laquelle nous serions, en Afrique, la référence absolue en
démocratie, et qu’en matière d’expression par le suffrage universel, nous
aurions pratiquement un siècle d’avance sur nos voisins ? Pourquoi ?
Nous convoquons l’histoire, notre prétendue participation aux
Etats Généraux de 1789, l’élection d’un « député du Sénégal » au
Parlement français dès 1848, sans préciser que les Cahiers de doléances des
« Habitants de Saint-Louis » étaient l’œuvre d’un marchand négrier et
que pendant cinquante ans, les députés du Sénégal étaient des « députés
absents » au service des maisons de commerce bordelaises.
De toutes façons, même si elle a été plus ancienne
qu’ailleurs, l’histoire électorale du Sénégal n’a jamais échappé ni aux fraudes
ou aux manipulations, ni aux violences physiques voire aux guets-apens.
A quoi d’ailleurs nous a servi cette avance puisqu’en
cinquante ans d’indépendance, une seule de nos élections a été reconnue
transparente par toutes les parties en cause, que nous avons été parmi les
derniers à accepter l’usage d’isoloirs dans les bureaux de vote et, que pour
l’élection présidentielle de 2012, le Président Wade et son parti politique
avaient récusé le bulletin unique que la République Démocratique du Congo, qui
compte plus de 60 millions d’habitants et ne vote que depuis 13 ans à peine, a
accepté sans difficultés ?
Cinquante-cinq ans après notre indépendance sur les papiers,
nous gardons encore une conception coloniale et un rapport vétuste entre le
pouvoir et le citoyen souverain. Pour nous, être au pouvoir revient à être
« Buur / Roi », et, à ce titre, on peut comme bon nous semble disposer
à loisir des ressources du pays, donc des impôts tirés du contribuable, des
ressources du pays.
Et jamais des autorités n’ont autant que nos ministres,
députés et fonctionnaires abusé de ces prérogatives. Pis, leurs fils, leurs
entourages, les chefs de services, qui tous, à notre connaissance ne disposent
pas de fonds secrets, se livrent à la même gabegie, avec le même manque de discernement.
Les dégâts faits par l’argent aux deux régimes précédents dans
nos consciences collectives seront-ils jamais réparables ? Le paradoxe,
c’est que la plupart des Sénégalais, d’indigents citoyens et pas nantis, ne
sont même pas choqués par l’argent distribué par-ci et par-là de manière
parcimonieuse. Ils ne sont guère choqués que les Ministres et PDG comblent
leurs congénères et les artistes sur scène d’argent public, qu’ils se
remplissent eux-mêmes leurs poches ou des visiteurs plus obséquieux que
nécessiteux.
Ces sénégalais au lieu de se concentrer sur le strict nécessaire, regrettent que leur tour tarde à venir. Beaucoup louent la générosité du PDG, du Ministre, du Député ou du Président de la République, alors que donner ce qui ne vous appartient pas s’apparente plutôt à un vol ; quand les bénéficiaires sont exclusivement de votre clan, c’est de la concussion ; quand on prend dès lors aux plus pauvres pour donner aux nantis et aux oisifs, c’est tout bonnement un crime orchestré
abdoukhadre2011@gmail.com
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