samedi 21 novembre 2015

Il n'aurait jamais refusé l’implantation d’une école française dans l’espace mouride



AVERTISSEMENT : Un peu de retenu svp, je sais que cela peut choquer la masse, mais c’est la vérité car bon nombres de gens ne cherchent pas ni ne trouvent, ou cherchent mais ne trouvent pas. La seule réponse est dans les écrits du Cheikh qu’ils peinent à décortiquer et à interpréter d’une manière lucide. 

Nous sommes en 1913. Le Cheikh aida l’administration coloniale a recruté 400 hommes mourides qui devaient participer au combat de la première guerre mondiale malgré toute la réticence de certains cheikhs et de la communauté mouride. Parmi même les soldats figurait Muhammad al-Fadel Fall, le fils ainé de Mame Cheikh Ibrahima Fall (ce sera l’occasion d’une prochaine contribution).

Alors en 1913, conscient de la rapidité à laquelle la Mouridiya augmentait, le projet d’instaurer une école dans l’espace mouride fut mis sur la table des discutions au début de l’année. Son but nous sera même donné plus tard par Lasselves (Administrateur de cercle de Diourbel entre 1913 et 1915) qui écrit : 

«  Le maintien d’une école à Mbacké semble présenter un grand avantage au point de vue de la propagande anti-mouride, mais pour qu’elle puisse se maintenir, il faudrait trouver un instituteur sérieux, capable, tranquille, assez habile et politique pour se faire accepter de tous. »
Cet instituteur est impossible  à trouver si l’on en croit à la feuille 16 du rapport datant du 25 octobre 1915.

Si l’on voit les résultats que de telles initiatives eurent par le passé, comme  l’exemple de Mbakhane, on peut s’imaginer pourquoi l’administration en voulait à nouveau. En attendant, un terrain d’entente fut trouvé avec le saint homme. Dans une lettre transmise le 4 février 1913, il écrivit :

« J’ai l’honneur de vous faire connaître moi-même que de mon côté, je tiendrai les engagements qui ont été pris au cours de notre conversation. Je vous informe en outre que je suis tombé d’accord avec M l’administrateur du Cercle sur les trois points suivants :
1.       Enseigner la langue française usuelle à certains élèves de mes écoles. (Donc ni la culture française, ni les valeurs françaises et ni l’idéologie de la France)
2.       Ces premières études terminées, envoyer les élèves qui le désireraient à l’école française musulmane de Saint-Louis du Sénégal pour continuer leurs études.
3.       Envoyer certains cultivateurs à la Makama agricole (l’école d’agriculture) qui doit être créée dans ce cercle. »

Donc le Cheikh ne s’est jamais opposé à la création d’écoles, il a toujours prôné l’excellence et le culte du savoir. Le perfectionnement au degré même d’aider les agriculteurs en leur permettant de renforcer leur connaissance dans les hautes écoles à l’époque. L’école fut installée à Mbacké (rappelons à l’époque que Mbacké était dans l’espace mouride) et commença à fonctionner le 12 novembre 1913, lendemain de la fête du sacrifice d’après une information tirée d’une lettre signée par Paul Marty, le 08 novembre 1913.

L’instituteur, répondant au nom d’Alioune Fall, était un jeune homme de 23 ans, originaire de Saint-Louis  et le nombre d’élèves fut de 12 dont 6 envoyés par le Cheikh. Tout ce qui était nécessaire au fonctionnement de l’école (cahiers, livres, bancs, tables, salaire de l’instituteur de 100 FCFA / mois) fut pris en charge par le saint homme.

Mais 2 mois plus tard, Alioune Fall alla se plaindre auprès de l’administrateur en chef du fait que les 12 élèves ne venaient plus cours. Ce dernier fit convoquer le saint homme pour lui demander des explications. Aux questions de l’administrateur, le saint homme répondit que : « Ceux qui sont partis, je n’ai pu les retenir. Mais je vais les remplacer » selon un rapport confidentiel sur les Mourides de Cheikh Ahmadou Bamba publié en janvier 1914 à la page 2, donc au début de la première guerre.

L’administrateur continua à tenter d’expliquer au Cheikh pourquoi les élèves devraient être assidu, et ce dernier de lui répondre : « Si l’on te forçait à apprendre le wolof, serais-tu content ? Une dimension sociologique. N’est-ce pas cela qui doit faire réfléchir nos acteurs de l’éducation qui souvent n’arrivent pas à distinguer ce que veut apprendre l’étudiant et ce qu’il en est réellement des filières que l’on propose ? 

La plupart des filières de l’enseignement ne répondent pas aux exigences du marché. C’est un habillage qui une fois à l’intérieur confirme une déception pour l’étudiant. Une communication aveugle sur le contenu des filières de l’enseignement supérieur de notre pays. Combien de jeunes se retrouvent trahis après avoir choisi de se spécialiser en philosophie et qui sont condamnés après à recevoir des leçons sur l’épistémologie ? Combien ?

Finalement l’administrateur lui demanda d’envoyer des enfants plus jeunes afin qu’ils soient plus malléables. Le saint homme accepta encore. Les Mourides de Mbacké continuèrent à faire pression d’ailleurs sur le Cheikh afin que l’école française soit fermée. Celui-ci en parla à plusieurs reprises avec les membres de l’administration coloniale. L’école de Mbacké continua jusqu’à la fin de l’année scolaire 1914-1915 (en pleine guerre) puis l’administration accepta de la fermer.  Néanmoins, les élèves devraient être amenés à l’école existante de Diourbel et ils seraient nourris et logés par le Saint homme. 

De quelle école s’agit-il ? Je ne sais pas moi-même ! Mais je pense (et ça n’engage que moi) que ce serait le CEM de CEMT actuel ou l’école d’Ibrahima Thioye. CEMT ou l’école Ibrahima Thioye parce que partout où le Cheikh était, il y a une portée sociologique de nos jours. Le lieu où il recevait l’argent des autorités coloniales et qu’il n’a jamais utilisé est aujourd’hui le ministère des finances de Gabon. La mosquée à 4 pierres qui lui servait de lieu de prière à l’époque aussi est de nos jours la plus grande mosquée de Libreville. Et le 14 janvier 1912, le Cheikh arriva à Diourbel en provenance du Djolof. Dans un premier temps, il a été mis en résidence surveillée dans la maison contiguë à l’école Ibrahima Thioye. Et qui sait cette demeure sait pertinemment que c’est entre l’école Ibrahima Thioye et celle de CEMT.

Pour sa part alors, Alioune Fall devint mouride et se mit à étudier à l’école coranique à Diourbel. C’est Lasselves qui clôt ce sujet : 

« Nous ne sommes plus partisans de l’école isolée de Mbacké faute de pouvoir recruter un instituteur qui puisse la faire marcher, mais nous adoptons l’obligation pour les mourides d’envoyer un certain nombre d’enfants aux écoles de Diourbel. Amadou Bamba adopte volontiers cette solution et fait le nécessaire pour la réaliser, l’école de Mbacké paraissant lui donner beaucoup de souci, car il était probablement harcelé par les récriminations de tous les notables mourides de la région » D’après la feuille 17 du rapport du 25 octobre 2015.

Deux raisons qui ont poussé à la fermeture de l’école de Mbacké (dans l’espace mouride) : le manque d’assiduité des élèves mourides et la pression et les harcèlements qu’aurait subi le Cheikh venant des dignitaires mourides. On comprend dès lors qu’il avait autorisé l’ouverture de ces écoles françaises dans l’espace mouride et y avait même contribué financièrement. Second, la fermeture n’émana pas de sa volonté bien au contraire, il s’y opposa jusqu’à la fin.

D’ailleurs du temps de Serigne Saliou, les chroniqueurs et journalistes avaient donné une autre interprétation quant aux écoles qui avaient été fermées à Touba. En effet, voulant construire des écoles dites modernes les autorités se sont cachées pour le faire à Touba à l’insu du Calife (Serigne Saliou). Serigne Saliou avait été mis au courant bien après la finition des écoles. Ce qui justifia cette fermeture car il n’avait pas été avisé à l’avance. C’est évident ! Quiconque ici s’évertuerait à construire sa maison sans l’aval de la mairie ou de la perception municipale ? Qui ?

Je pense que ce sont des questions très sensibles aux yeux de la population que pas mal de chercheurs fuient. Et quand la lumière n’est pas établie de manière juste et bonne, l’amalgame ne cessera jamais de régner. Touba aujourd’hui subit plusieurs formes d’interprétations : un Etat dans un Etat ? Une ville pas du tout laïque. Des Mourides pas du tout flexibles. Une population fanatique et religieusement aveugle. On en aura l’occasion d’y contribuer et d’y apporter des éclaircissements.

abdoukhadre2011@gmail.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire